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affiche-de-somewhere-de-sofia-coppola-4724807lzjdwDerrière ses airs d’affreux piège à bobo en quête de rédemption culturelle, Somewhere dissimule de jolis moments de grâce d’une simplicité déroutante. Cette simplicité est peut-être ce qu’on reproche le plus à Sofia Coppola, qui se démarque ainsi des débuts grandiloquents – et magistraux – de son illustre paternel. Les reproches sont généralement ceux d’une absence de prise de risque, d’un style plan-plan routinier dépourvu de fonds. Et pourtant, décider de tourner un film sur le vide, l’ennui, l’attente, n’a rien de raisonnable. Si la démarche de Sofia n’est en soi pas particulièrement originale – toute une lignée de cinéastes la précède, d’Antonioni à Nuri Bilge Ceylan en passant par Gus Van Sant –, il n’en faut pas moins souligner l’audace et la justesse qui caractérisent son style.

 

Somewhere raconte donc l’histoire de Johnny Marco, acteur hollywoodien un brin sulfureux, qui cherche à tuer son temps entre deux tournages au sein du château Marmont, résidence pour stars cherchant de quoi boire et baiser. Le titre le suggère, la star ne sait plus vraiment où elle en est et tourne en rond avec sa Ferrari sur un circuit automobile en plein désert californien, fait la fête (avec démarche titubante de rigueur) un cocktail à la main et trois bimbos dans l’autre, puis comate en admirant vaguement deux jumelles strip-teaseuses s’amuser avec une barre verticale et des raquettes de tennis. Les premières minutes du film, dépourvues de dialogues et limitées à une seule action, sont un strict éloge du vide dans lequel Johnny s’enfonce lentement. A mesure que le film évolue en un parcours initiatique, on craint que Sofia Coppola ne cède à un moralisme facile et peu inspiré. Elle n’évite pas tout à fait les clichés propres à l’exercice : de ce vide stérile et angoissant émergera une fille, Cleo, 11 ans, poussant la jeune star vieillissante à prendre acte de sa virilité déclinante (son seul plan drague du film – une poursuite en voiture – ne débouchera d’ailleurs sur rien) pour finalement accepter son statut de père.

 

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"T'es gentille avec tes pizzas qui puent mais moi j'suis un artiste qui souffre tu 'ois"

 

A rebours du confort gentiment néo-bourgeois et conservateur du propos, Sofia Coppola continue de dessiner le portrait de personnages ayant « réussi » mais ne parvenant pas à combler un vide ni à incarner leur propre vie. Entre autres répliques joyeusement acides du film, celle lancée par l’ex-femme de Johnny – « Tu n’as qu’à faire du bénévolat » – laisse songeur, et symbolise subtilement une génération cherchant dans un engagement soi-disant altruiste une manière égoïste de trouver du sens. Le film fonctionne ainsi, par petites touches comme pour une toile impressionniste dont le sujet n’a rien d’exceptionnel mais qui émeut de par ce mélange d’apaisement et de tension. Cette succession de « riens » aide Johnny à sortir du cadre dans lequel il s’était enfermé – les derniers plans du film symbolisant cet investissement du hors-champ. Et la voie par laquelle il y parvient ne peut être qu’intime. Toute l’essence du cinéma de Sofia Coppola se trouve concentrée dans ces quelques images, ces secondes d’intimité laissées à chacun des personnages (souvenons-nous des dernières images de Lost in Translation, quand Bill Murray murmure quelques mots à l’oreille de Scarlett Johansson).

 

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"Ok on se fait un peu chier tous les deux, mais ça vaut toujours mieux qu'un film avec Frédéric Diefenthal non ?"

 

C’est vrai, tout n’est pas parfait dans Somewhere, certains choix esthétiques peuvent agacer, même si Sofia Coppola évite adroitement les effets tremblés à la mode, les flous, les plans rapprochés vides de sens pour privilégier une mise en scène humble et anti bling bling. Et pourtant rares sont ceux réussissant à émouvoir autant avec si peu, sans sortir de petits mouchoirs ni de grande théorie sur la déliquescence du monde contemporain. La mode est à l’indignation. Si elle pouvait en plus se révéler aussi sincère que la démarche de Sofia Coppola, notre monde serait vraiment merveilleux.

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